Vu les remarques sur mes précédents propos, il me paraît opportun de situer le débat à notre époque. Je passerai outre l'évolution de la pensée de l'Eglise sur notre sujet. Pourrons-nous peut-être y revenir une prochaine fois.
Le dialogue interreligieux est nécessaire dans un milieu multireligieux tel que le nôtre. Certes, le contexte multireligieux n’est pas franchement une nouveauté. Mais, à notre époque, le contexte multireligieux est lié aussi à d’autres contextes dit « multi » par exemple multiculturel. En tout cas, il est beaucoup plus ancré dans les mentalités de telle sorte qu’il se reflète à travers diverses expressions très répandues « on n’a plus de valeurs » (En fait, ce n’est pas qu’il n’y a plus de valeurs, mais c’est parce que nous voyons que nos contemporains vivent et fondent leur vie sur des échelles de valeurs nombreuses et très diverses !). Le dialogue interreligieux touche à ce qui est fondamental pour l’homme et son existence. Si ce dialogue est nécessaire, il faut bien admettre qu’il est difficile.
D’ailleurs voici deux tendances extrêmes dans lesquelles il ne faut pas tomber :
(les déviances ici exprimées sont situées par rapport à un point de vue chrétien. Selon la religion considérée, d’autres déviances peuvent être évoquées)
- la première est de ne pas dialoguer avec les croyants d’autres religions si ce n'est uniquement pour leur apporter notre propre point de vue et qu'ils le suivent. La théologie sous jacente est de donner à la spécificité de la place unique du Christ un caractère exclusif et de considérer que le chrétien a la vérité de par sa foi. En gros, « Je crois en Dieu, révélé par le Christ. C’est Celui-là le vrai ! Les autres sont de toute façon dans l'erreur. Vivons dans notre coin et allons voir les autres uniquement pour les convertir ». C'est la façon de penser des intégristes. D'autres groupes peuvent être animés de cette même pensée.
- la seconde consiste à rechercher uniquement ce que nous (croyants des différentes religions) avons en commun. D’ailleurs, l’Esprit saint souffle aussi bien dans l’Eglise que dans les autres religions puisqu’il y a du bien dans celles-ci. L’idée sous jacente est de considérer que, pour un chrétien, la foi au Christ est à mettre de côté dans sa réflexion pour un dialogue interreligieux. Cette tendance vient d’un relativisme, très fréquent à notre époque. Il n'est pas mis en évidence par un groupe clairement défini. Mais il est très présent.
La difficulté est justement de ne pas tomber dans l’un des deux. Il faut tenir à la fois la place unique du Christ, dont l’Eglise (c’est à dire les chrétiens) confesse et à la fois l’Esprit qui est présent dans les autres religions et agit dans leur coeur (et même au cœur de tout homme).
C’est pourquoi une richesse de cette rencontre avec des croyants d’une autre religion est de découvrir que l’autre croyant, par sa foi authentique, par sa vie de prière et par sa manière de vie, nous invite à nous convertir à l’intérieur même de notre propre religion. De plus, cela permet de connaître les points communs que nous avons en tant que croyant, si peu mis en avant mais pourtant bel et bien présent. Ce n’est que quelques-unes des richesses parmi toutes celles qui animent tous ceux qui s’engagent régulièrement. A nous, dans notre vie, d’allonger cette liste des richesses de ce dialogue interreligieux…
3 commentaires:
Bonne Année Jacques,
Sujet bien difficile, nécessaire certes, enrichissant oui mais pour les connaisseurs je pense . Car si je ne connais pas comment sont, font et vivent les personnes des autres religions, je ne peux pas voir les richesses encore moins les mettre en avant . D'autant plus que, quand je peux j'évite ces rencontres non par fuite mais pour ne pas tomber dans les déviances que vous avez évoquées et bien d'autres encore .
Le respect et l'écoute ne seraient-ils pas de bons points de départ ? La tolérance serait même aussi la bienvenue dans le dialogue interreligieux et comme je l'ai dit je crois qu'il faut un peu de connaissance des autres religions .
Raison pour laquelle je compte sur les commentaires des autres et sur votre réaction pour découvrir ces richesses et peut-être les mettre en avant un jour .
L'ignorant
le commentaire de l'ignorant me choque un peu je suis catholique pratiquante et j'ai des amis musulmans pratiquants nous discutons de nos religions avec beaucoup de curiosité pour savoir quel sens ont nos pratiques.Je suis même le témoin d'une amie catholique pratiquante qui se marie avec un musulman pratiquant hé oui ça existe et c'est très beau. la célébration inter religieuse se fera dans un lieu neutre avec un prêtre et un himam. Le fait de fuir toute communication avec les personnes d'autres religions n'engendre t'il pas la peur de ces religions. Il n'ya pas que des musulmans intégristes sur terre. Je reviens d'un stage de trois mois à la Réunion. Les trois Religions (musulmane, boudisme, Catholicisme se cotoient avec le plus grand respect du fait que dans toutes les familles il y a automatiquement un mélange de toutes ces religions et le dialogue est profond et respectueux.
Merci pour ta dernière contribution.
J'aime l'idée que tu exprimes, à savoir que la rencontre avec des croyants d'autres religions m'aide à me convertir à l'intérieur de ma propre religion.
Ce thème me semble intéressant à développer, à la fois théoriquement et par des exemples.
Au fond, nous pensons que ces différentes religions tiennent ce qu'elles ont de vrai et de bon du Christ lui-même, qui est la vraie et unique Lumière qui "illumine tout homme en venant dans le monde".
Or notre foi à nous consiste justement à voir dans le Christ la source unique de la Vérité. Donc le contact avec ces autres religions ne nous fait pas découvrir d'autres sources de vérité ou même d'autres vérités.
Mais par ce qu'il y a de juste et de saint en elle, elle peuvent nous stimuler et nous renvoyer à plus de fidélité à notre propre "patrimoine".
Par exemple : l'insistance du Bouddhisme sur la "compassion" ne nous fait pas découvrir cette attitude spirituelle, mais nous encourage à la vivre davantage, en y apposant en même temps le sceau de la charité qui est propre à notre tradition spirituelle.
L'Islam a un grand sens de la transcendance absolue de Dieu : à son contact, nous pouvons retrouver (si nous avions tendance à l'oublier) le sens de la "grandeur de Dieu" qui fait partie de notre foi et de notre spiritualité, sans renoncer pour autant au grand mystère d'un Dieu qui s'est fait homme et qui s'est livré pour nous en Jésus-Christ.
De même, si je n'ai pas à me mettre à "faire le Ramadan", la fidélité des musulmans à cette pratique me rappellera l'importance du jeûne et du partage à vivre dans ma propre tradition.
Alors je me pose une question :
dans le cadre du dialogue oecuménique (donc entre les différentes confessions chrétiennes), on est allé jusqu'à parler légitimement d'un "échange de dons".
Pourrait-on employer la même expression au sujet du dialogue inter-religieux".
Bonne réflexion, Jacques...
DB
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